Islande – Sud-Ouest – 2022

Récit de notre voyage familial en Islande, du 7 septembre au 17 septembre 2022. Pour notre première expérience dans ce pays d’eau et de feu, nous avons choisi la société Allibert Trekking pour nous accompagner.

Mais commençons par le commencement. Ce voyage, nous aurions dû le faire en 2020. Pour les 30 ans de notre fille. Mais un pangolin mangé au dîner a fait basculer le monde. C’est l’effet papillon dit-on. Tout s’est arrêté. Le projet fut rangé dans un tiroir en attendant des jours meilleurs.

Début 2022, le dossier sort de sa cache. Nous abandonnons l’idée initiale d’un trek qui traverserait l’ile du nord-est vers le sud-ouest. Parmi les 11 plats du menu Islande d’Allibert Trekking, nous retenons finalement celui intitulé L’ILE AUX MERVEILLES. Un circuit découverte de tous les visages de l’Islande.

Reykjavík

Partis de Genève à 14h par un vol Icelandair, nous atterrissons à l’aéroport international de Reykjavík à 15h50, merci aux deux heures de décalage. Nous avons eu juste le temps de regarder le film Dunes. La voiture que nous remet Europcar ne démarre simplement pas. Après un aller-retour au comptoir avec l’agent qui, comme St-Thomas, a besoin de voir pour croire, nous voici aux commandes d’un break Suzuki SWACE blanc hybride.

Les 50 minutes qui nous séparent de la guesthouse où nous dormirons ces deux prochaines nuits se font principalement sur une autoroute. Nous sommes surpris pas le nombre de gros pickups, des RAM en passant par des F-150. Les Jeeps sont légion et les panneaux de limite de vitesse à 90km/h plantés régulièrement sur les bords de route n’ont aucun effet, à part une éventuelle fonction esthétique.

Notre guesthouse se situe au bord de la place sur laquelle est érigée l’église Hallgrímskirkja. Une merveille architecturale en béton, construite entre 1945 et 1986, inspirée des orgues basaltiques, des montagnes et des glaciers.

Les valises déposées, nous partons explorer le quartier et si possible nous approcher de la mer. Mer qui ici s’appelle mer d’Irminger.

Les terrasses sont animées et les touristes encore bien présents. L’ambiance est bonne enfant. La température est douce au soleil, plus crue à l’ombre. Enfin de la fraicheur, après ces longs mois de canicule.

Nous flânons tranquillement, le long de petites ruelles, certaines piétonnes, d’autres non, bordées de petites maisons accolées les unes aux autres, qui ne font guère plus que qu’un ou deux étages. Un reflet bleu, au loin, vient corriger notre trajectoire.

Nous sommes à proximité de Harpa et d’un nouveau quartier, où là les bâtiments prennent de la hauteur, afin qu’un plus grand nombre de privilégiés puissent profiter de la vue. Un autre quartier est en train de se construire, à proximité directe du centre des congrès et salle de concert. Des petits immeubles de trois à cinq étages, cubiques, aux façades harmonieuses, grises et noires. De toute beauté.

Nous nous approchons de la place où trône Harpa, un bâtiment imposant certes mais extrêmement harmonieux, presque aérien.

Son architecture est remarquable tout autant que la plus petite structure qui compose la face sud de l’édifice : la quasi-brique. La quasi-brique fut développée par Einar Thorsteinn, un géomètre et mathématicien, architecte à ses heures, et islandais d’origine. La quasi-brique est un polyèdre à douze côtés composé de faces rhomboïdales et hexagonales.

Empilés, assemblés, chaque module joint l’autre sans laisser d’espace permettant ainsi de concevoir des murs et de construire des éléments structurels. Combinés, le rendu est un mélange de régularité irrégulière qui réfracte chaotiquement la lumière.

Les autres faces sont planes, constituées de sections bi-dimensionnelles de quasi-briques. Quelques vitres sont colorées et leur couleur varie selon l’endroit d’où on les regarde. Durant les quelques minutes où nous restons autour de ce chef d’oeuvre, le soleil s’est rapproché de l’horizon, colorant le ciel. Les vitres du bâtiment ont, elles aussi, changé de couleur.

Les tâches blanchâtres qui maculent l’eau sont des méduses communes ou aurélies. Elles flottent par centaines, voire milliers, certaines immobiles, d’autres nageant mollement.

Leur quatre gonades, rondes ou oblongues, centrées sur l’ombrelle, sont jaune, rose ou bleu pastel. Ou incolore, simplement. Toute velléité de baignade disparaît instantanément même si leur piqure reste inoffensive, voire indolore. Dire qu’au XIXème siècle, aux Pays-Bas, les personnes souffrant de rhumatismes se trempaient dans des bassins remplies d’aurélies pour soigner les douleurs. Les croyances de l’époque jugeaient les piqûres stimulantes pour le flux sanguin. Entre sangsues et méduses, j’aurais choisi… de rester malade.

Voyant des personnes rentrer et sortir du bâtiment, nous nous enhardissons et pénétrons à l’intérieur, par une porte coulissante et automatique. L’intérieur est au moins aussi spectaculaire que l’extérieur.

Notre appétit culturel rassasié, nous nous mettons en chasse d’une nourriture plus charnelle que spirituelle. Si, si, c’est bien un panneau annonçant le musée phallique d’Islande. Nous regardons, amusés, à travers la vitre. Des formes allongées, dans des bocaux de formol, nous font trouver l’endroit beaucoup moins drôle.

Nous errons un peu, pressés néanmoins car les restaurants ici ferment entre 20h30 et 21h00. Nous jetons notre dévolu sur un restaurant sud-américain, Selva, d’où s’échappe de la musique rythmée. L’ambiance est feutrée et la nourriture délicate et savoureuse.

Repus, ravis de notre premier contact avec l’Islande, nous rentrons à Sunna, notre guesthouse.

Flore du lieu

Pour ne pas perdre les bonnes habitudes.

Althéa - Hibiscus Syriacus
Althéa – Hibiscus Syriacus
Autoportraits du lieu

La famille quatröcc (quatre yeux, à lunettes, quoi !).

Devant Harpa.

Entre Reykjavík et Hveragerði

Nous quittons Reykjavík après un déjeuner copieux et varié. Un bon point de plus pour notre guesthouse. Le programme du jour consiste partir vers l’est, en descendant doucement vers le sud , puis, à la hauteur de Hveragerði, d’obliquer directement vers la côte avant de la longer pour remonter vers Reykjavík. Le tracé ressemble à un parallélogramme difforme.

Le ciel est couvert mais il ne pleut pas. Les sacs à dos ainsi que les camelbaks ont été chargés dans la voiture. Nous ne sommes jamais à l’abri d’une bonne surprise. Le planning de la journée est incertain. J’ai préparé pas mal d’activités, trop sans doute. Nous devrons faire des choix et prendre des décisions.

Sortis de la ville, la route coupe en deux un champ de lave moussu à souhait.

Les pierres ressemblent à des petits choux nappés de sauce épaisse.

Notre première activité se fait un peu au nord de Hveragerði. Voir le billet Les sources thermales de Reykjadalur.

Nous reprenons la route bien après 14h. La journée est en partie bien consommée mais cette petite balade au-dessus de Hveragerði nous a bien mis dans l’ambiance Islande. Il est temps maintenant de nous approcher de la côte.

Strandarkirkja ou l’église de la plage

Arrivés à la ville d’Ölfus, nous attrapons la route n° 427 qui longe la mer. Initialement, la boucle dessinée passait par la ville de Selfoss pour nous amener un peu plus à l’est d’Ölfus, par la route n° 34. De là, nous aurions traversé la rivière Ölfusá à l’endroit où elle se jette dans la mer, à proximité de plages de sable noir. Nous avons préféré avoir un peu de temps pour marcher et nous arrêter plutôt que de passer la journée dans la voiture.

Alors que je regarde avidement la mer, dans l’espoir de m’en approcher et de la toucher, je pointe du doigt une petite église isolée juste avant que nous passions l’embranchement vers une petite route qui la dessert. Devant, un grand parking. Vide. Dix ou vingt fois plus grand que l’église. Avec un accès à la mer. First things first, dirait mes amis britishs. Nous ajoutons une couche chaude sur nos épaules et en avant !

L’odeur si caractéristique de l’air marin emplie nos narines. Je respire à pleins poumons, le sourire aux lèvres, les yeux humides d’émotion.

Et, à première vue, je ne suis pas la seule à être joyeuse.

Nous revenons sur nos pas et partons découvrir Strandarkirkja. Le mot kirja signifie « église » en islandais tandis que strönd  (strandar, strendur or strandir) signifie « plage ». L’église de la plage. On ne pouvait trouver un meilleur nom.

Cette église fut bâtie au XIIème siècle par des marins en détresse qui se promirent de construire une église s’ils se sortaient vivants de leur mésaventure. Guidés par un ange à travers les récifs et les rochers affleurants, ils accostèrent ici même et tinrent leur promesse. L’événement suscita une telle ferveur que la baie fût nommée Engilsvík, ou la baie des Anges (vík = baie). Strandarkirkja fut même une des églises les plus riches du pays, attirant des habitants de tous les coins d’Islande qui venaient chercher un miracle en échange d’une peu de générosité.

La population de Selvogur, le village adjacent, n’ayant cessé de diminuer au fil des années – 154 en 1703, 14 en 2015, l’église n’est plus guère utilisée que pour des occasions spéciales. Le sermon qui célèbre la fin des moissons à la fin du mois d’août en est une et la messe des pêcheurs en octobre une autre.

Autour de l’église, des pierres tombales alignées. Les Islandais sont un des derniers peuples du monde occidental a avoir conservé l’us de nommer les enfants selon le prénom du père (ou plus rarement celui de la mère) : Ólafur, fils de Jón Einarsson – aura comme nom de famille Jónsson. Sigríður, fille de Jón Einarsson. portera le nom Jónsdóttir. Cette dernière, même mariée,  conservera ce nom toute sa vie.

Une statue de granit en provenance de Norvège est érigée non loin. Réalisée par une artiste islandaise, Gunnfríður Jónsdóttir, elle illustre l’histoire qui mena à la construction de l’église. L’œuvre s’appelle Land in Sight (Landsýn).

Des petites maisons miniatures sont à demi ensevelies dans l’herbe. Ce sont des maisons pour les hidden people (Huldufólk), ces petits elfes, des mini-êtres humains, qui vivent dans un monde parallèle. Pour les Islandais (comme pour les Norvégiens et leur trolls), les hidden people existent vraiment. Il est même déconseillé de jeter des pierres, pour ne pas blesser inintentionnellement ces petites créatures.

Flore du lieu

La photo est peu trouble, merci monsieur le Vent, mais je me devais de leur rendre hommage. Des Nootka lupines. Lorsque je les ai vues, je me suis écriée : des bluebonnets! Durant le mois de mars, ces fleurs bleues, les Texas bluebonnets, recouvrent les prairies de Hill Country, à l’ouest de Houston.

Nootka Lupine - Lupinus Nootkatensis
Nootka Lupine – Lupinus Nootkatensis

Ici, les Nootka lupines font la joie des touristes lorsqu’ils recouvrent des hectares entiers d’une belle couleur violette. Le sentiment est partagé par les locaux dont une bonne partie considère les Nootka lupines comme une plante invasive à éradiquer. Introduites en Islande en 1945, leur mission était de reverdir un tant soit peu les terres laissées sans protection suite à l’abattage massif des arbres et de lutter ainsi contre l’érosion. Elles y ont mis tant de cœur qu’elles recouvrent aujourd’hui 0.5% de la surface de l’Islande. Ce pourcentage pourrait bien dépasser les 10% dans les deux prochaines décades, affirme Pawel Wasowicz, un botaniste. Cette histoire n’est pas sans rappeler celle des tamarisks, introduits en Amérique du Nord dans les années 1800 comme plante ornementale, puis plantés intensivement pour le US Departement of Agriculture pour ralentir l’érosion des berges du Colorado. Avec une progression de 12 miles par an, le tamarisk est aujourd’hui partout, interdisant l’accès aux rives aux animaux, étouffants les plantes natives.

Selatangar

Nous avions prévu de nous arrêter à Selatangar, un vieux village de pêcheur, décommissionné en 1880. Nous nous engageons avec enthousiasme sur la piste qui y mène. Le GPS annonce moins de 2 km. Notre euphorie est stoppée nette par  le bruit d’un caillou grattant le bas de caisse. Arg ! Même si Selatangar est mentionné sur notre roadbook comme une curiosité à ne pas manquer, notre véhicule n’est certainement pas adapté à ce type de piste. Stefano essaie de se déporter hors des ornières mais les cailloux sont décidemment trop gros. Même s’ils ne dépassent guère 10 cm.

Penauds, nous faisons un prudent demi-tour à la grande déception de Luana qui se réjouissait tellement de découvrir ce village.

Brimketill

Après avoir traversé Grindavik, une presque-métropole comparée aux villages précédents, nous continuons sur la route n°425. Environ 50 minutes après avoir quitté la petite église de la plage, le GPS nous annonce un des POI du tracé. Un embranchement nous permet, à nouveau, de nous rapprocher de la mer. Un panneau de bois annonce fièrement : Brimketill. Cette fois nous ne serons pas seuls : deux voitures occupent le parking recouvert de gravier.

Un sentier part vers une plateforme.

Au moment où il arrive près des rochers, il se transforme en allée revêtue de grilles métalliques. Une rambarde de fer rouillée complète l’aménagement, rendant ainsi plus accessible l’accès à la plateforme.

Car s’approcher du bord de mer requiert d’avoir le pied sûr.

Un vent puissant souffle et la mer est déchaînée. Les vagues viennent s’écraser avec fracas sur les rochers noirs, les recouvrant quelques instant d’écume blanche.

Un panneau annonce : Brimketill, lava pools. Ce que je découvre est complètement différent de ce à quoi je m’attendais. Les photos consultées avant de partir montraient une piscine naturelle entourée de roches noires. L’eau, de couleur turquoise, y était parfaitement plane et transparente. De gros rochers arrondis par le temps et l’érosion en composaient le fond, ceux-là même qui contribuèrent, au fil des années, a créer ce bassin par leur roulis incessant. Le soleil ajoutait la touche finale en créant un jeu d’ombre et de lumière. Une image paradisiaque, qui semblait venue tout droit des Caraïbes.

Aujourd’hui, le soleil est quasiment absent. Le vent furieux malmène l’eau. Point de piscine naturelle, mais un bouillonnement digne d’une marmite du diable.

Comme souvent ici, tout lieu un peu spécial a une histoire. Voici un aperçu de la légende de Oddný’s pool. Oddný, une géante, utilisait Brimketill pour se baigner et laver ses vêtements. Oddný vivait avec son mari et son fils, Hróar et Sölvi respectivement, dans une grande caverne, non loin de là. Une nuit, de retour de Ræningjasker où elle avait dépecé une baleine échouée, elle s’arrêta ici pour se reposer. Elle s’attarda un peu trop, profitant de la piscine, oubliant que l’aube s’approchait et le danger que le soleil représentait pour elle. Des rayons du soleil levant l’effleurèrent et la pétrifièrent instantanément. Sa silhouette haute et droite – une grande colonne de lave noire – domina pendant longtemps le bord de la piscine. Elle fut petit à petit dévorée par l’érosion et finit par disparaître.

Nous quittons la plateforme pour une petite exploration.

La végétation s’approprie tout doucement les lieux. Petit à petit, elle s’installe sur la lave profitant de la moindre anfractuosité remplie un tant soit peu de matière organique.

La piscine de Oddný. Aujourd’hui, elle ne fait pas rêver.

Nous profitons de l’endroit, nous imprégnant de l’ambiance, excités par ces paysages si différents de ceux que nous connaissons.

Flore du lieu

Autoportraits du lieu

Bridge over continents

Le temps s’est envolé sans que nous nous en rendions vraiment compte. 17h30 et nous sommes encore sur la côte sud. Nous devons renoncer à poursuivre encore plus à l’ouest pour aller voir le phare Garður, au bout de Suðurnes, littéralement la « Péninsule du Sud ».

Nous faisons néanmoins un arrêt à Sandvík, à la séparation deux plaques tectoniques : la plaque nord-américaine et la plaque eurasiatique. D’où le nom du pont, construit entre les deux bords, symbole de la connexion entre l’Amérique du Nord et l’Europe.

Rien de spectaculaire, excepté la dynamique imaginaire du lieu. Placé près de la route, l’endroit est populaire.

Nous jouons les parfaits touristes, consciencieux à souhait.

Nous parcourons le « tube » de sable, représentant la faille, entre les deux parois de lave noire.

Autoportraits du lieu

Loki’s café

De retour à Reykjavik, nous posons nos sacs à Sunna, notre guesthouse et partons à la recherche d’un restaurant. Luana conseille le Café Loki, au coin de la rue, bien noté par TripAdvisor, et proposant en plus de la cuisine locale. Lorsque nous y arrivons, le hall est encombré de personnes attendant une table. Ce qui en général est bon signe mais demande un peu de patience, patience qui n’est pas une de nos principales qualités. Nous nous avançons néanmoins vers la serveuse. Un couple est devant nous, un groupe de 6 personnes ayant été mis momentanément de côté. N’ayant pas réservé, nous n’avons pas beaucoup d’espoir. Aussi sommes-nous tout surpris de l’entendre congédier poliment le couple devant nous en nous invitant à entrer. Comprenez, tente-t-elle d’expliquer au couple dont la femme est visiblement très en colère, entre un groupe de deux et un groupe de trois personnes, je préfère prendre trois personnes. Nous nous retrouvons ainsi attablés à une table de quatre, encore étonnés notre bonne fortune. Le personnel est aux petits soins avec nous, malgré le nombre de convives. La nourriture est simple mais délicieuse et la bière locale légère et savoureuse. Nous passons une très belle soirée et nous promettons de revenir, le dernier soir, avant notre retour sur Genève, pour essayer d’autres plats.

Références externes

En anglais

En français

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À propos de Marie-Catherine

Randonneuse, blogueuse et photographe amateur chez Two Swiss Hikers.

En phase de préparation de voyage, je m'occupe du choix voire de l'achat du matos et organise les bagages. Ma principale activité consiste à me réjouir des vacances qui arrivent ! Je deviens plus active au retour : il faut trier les photos (et des photos, il y en a...) et rédiger les billets de ce blog.

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