Fáskrúðsfjörður et le cimetière de pêcheurs français

300 km à parcourir à la découverte des côtes de l’est de l’Islande et de l’arrière-pays. Nous faisons une halte inopinée à Fáskrúðsfjörður, pour aller rendre hommage aux 49 marins français disparus en mer en mer d’Islande Puis, à Vök, nous nous offrons un moment de détente dans des bassins d’eau chaude.

300 km à parcourir pour rallier notre prochaine guesthouse.

La route n°1 suit fidèlement la côte est de l’Islande. Son tracé ressemble à une série de virages en épingle à cheveu. Mais ici, chaque virage est long de 10 à 30 km. La faute aux fjords qui découpent la côte. Nous nous réjouissons des paysages qui ne vont pas manquer de nous surprendre.

Après Berufjörður, nous suivons un moment la côte sur une longue ligne droite avant de nous rabattre vers l’ouest. Un pont, en prolongement d’une langue de sable, naturelle ou artificielle, permet de relier le côté opposé du fjord. Nous longeons ainsi Meleyri beach, une plage de sable noir, qui, en cette période de l’année, n’invite pas trop à la baignade. Le prochain fjord, Stöðvarfjörður, ne s’enfonce que de 5 km à l’intérieur des terres. Luana observe attentivement la mer, cherchant à repérer un souffle de baleine. Sait-on jamais… Personne n’est à l’abri d’une bonne surprise.

Fáskrúðsfjörður

Le dernier fjord s’appelle Fáskrúðsfjörður. Dernier, car, au fond de son échancrure, la route n° 1 quitte la côte pour s’enfoncer dans l’arrière-pays. Je lis à haute voix les informations contenues dans notre roadbook concernant ce village.

Fáskrúðsfjörður. Village dans lequel se trouve l’exposition « Fransmenn á Fáskrúðsfirði » consacrée à la présence des marins-pêcheurs français en mer d’Islande entre le milieu du 19ème siècle et 1914. Environ 4000 marins-pêcheurs français périrent en mer d’Islande durant cette période. Leur passage a fortement marqué les esprits de bien des générations d’Islandais. Par suite d’un malentendu linguistique, le mot français « paysan » a d’ailleurs été modifié en peysa par les islandais et signifie aujourd’hui « pull ou gilets de laine ». Quand les pêcheurs demandaient aux locaux s’ils étaient paysans, ces derniers pensaient qu’ils pointaient du doigt leurs traditionnels pulls en laine, très prisés par les marins dans les conditions dantesques de l’Atlantique Nord.

Le roadbook mentionne même un petit cimetière local de marins-pêcheurs français. Ni une, ni deux, nous décidons de faire une petite entorse à notre trajet pour aller voir de plus près ce petit bout de France.

Dans le village, les plaques indiquant le nom des rues sont bilingues : la première ligne, d’une écriture plus grosse, annonce la rue en islandais, tandis que la seconde est écrite en français. A la sortie du village, un drapeau français flotte au vent. Un petit parking, une table et deux bancs, et ce panneau.

Un petit sentier, bordé de lupins d’Alaska, descend vers la mer.

Une barrière blanche entoure un rectangle de terre.

49 croix marquent les tombes où reposent des marins qui, dans leur malchance, ont eu la chance de voir leur dépouille récupérée, identifiée et enterrée ici. Si l’on en croit l’extrait de mon roadbook, il reste environ 3950 marins disparus, purement et simplement. Deux croix n’ont, d’ailleurs, pas de nom.

Ils venaient de Gravelines, Paimpol, Fécamp ou Calais .  Des familles de marins viennent ici encore, célébrer leur mémoire. Nous n’osons imaginer les conditions de vie sur les bateaux. Le froid d’abord, la mer déchaînée, les naufrages, les maladies,… Moi, je ne puis m’empêcher de penser à leurs proches, épouses, enfants, dans l’incertitude durant de longs mois.

Flore du lieu

Mélange de baies. En majorité, des camarines noires mais également quelques airelles des marais (Vaccinium uliginosum).

Camarine Noire - Empetrum Nigrum
Camarine Noire – Empetrum Nigrum
Gentiane des Champs - Gentianella Campestris
Gentiane des Champs – Gentianella Campestris

Vök

Notre première expérience de bain dans une source d’eau chaude a été mémorable. Mémorable car improbable et inattendue ! (voir le billet Seljavallalaug). La seconde, ici, à Vök, le sera tout autant, mais pas pour les mêmes raisons.

D’abord, du parking à l’entrée des bains, il n’y a que deux cents mètres. Et même s’il pleut, nous sommes loin du kilomètre et plus de marche sur un sentier humide et traversé de torrents impétueux, au milieu d’une vallée où les nuages cachent les sommets des montagnes.

Ensuite, point de cabane éventrée, sans porte ni fenêtres, au sol sale où, inconsciemment, on reste sur la pointe des pieds en se changeant sur les caillebotis de bois. Ici, les vestiaires sont feutrés et d’une propreté quasi suisse.

Enfin, pour terminer la comparaison, trois bassins, dont deux flottants, aux eaux transparentes, dont la chaleur est mesurée précisément : 38, 40 et 42°.

Après nous être savonnés soigneusement, comme exigé par les affichettes placardées sur les murs des vestiaires, nous quittons la douceur des vestiaires pour sortir au grand air. La chair de poule hérisse nos poils. Nous nous immergeons rapidement dans le bassin à 38°. Il y a peu de monde et l’ambiance est bonne-enfant.

Lorsque nos corps se sont habitués à la température, nous allons tester le prochain bassin. De 38° nous passons à 40°. Le bassin est de type piscine à débordement et s’ouvre sur le lac Urriðavatn, à 12°. Une fois dans le troisième bassin, à 42°, Luana et moi, bientôt suivies par Stefano, allons booster nos défenses immunitaires par une petite trempette dans le lac. Elle ne dure que quelques secondes, le temps de quelques brasses, avant que nous nous replongions avec délice dans l’eau fumante. La réaction de la peau à ce chaud-froid-chaud est aussi étrange qu’éphémère. D’abord, la peau semble insensible au retour de la chaleur. Puis, toute la surface du corps n’est plus qu’un immense picotement. Pour terminer ce cocktail de sensation, la chaleur de l’eau semble alors pénétrer le corps. Ravis, nous retentons l’expérience plusieurs fois. L’hiver n’a qu’à bien se tenir.

Pour terminer, et ne rien manquer de l’offre locale, nous alternons une quinzaine de fois quelques minutes dans le hammam suivies d’un passage dans un couloir de froid, aspergés de fines gouttelettes d’eau glacée. Un véritable bonheur.

Et parce que toute bonne chose à une fin, nous nous résolvons à quitter les lieux, séduits par l’expérience, galvanisés par les chauds-froids répétés et un peu affamés, il faut l’avouer. Nous grignoterons dans voiture.

A la sortie du centre, une cycliste enfourche son vélo. Elle est partie, seule, d’Allemagne pour trois mois de cyclotourisme. Son périple islandais touche à sa fin. Demain, elle se dirige vers Seydisfjördur, à environ 30km d’ici, pour prendre le ferry qui la ramènera au Danemark où elle rejoindra, toujours à vélo, l’Allemagne. Moi, je dis « chapeau ! ».

Autoportraits du lieu

Möðrudalur

La pluie a repris de plus belle. Le paysage, bien que très différent de celui de notre Suisse, devient vite monotone.  Nous longeons une rivière, au fond d’une vallée, et les cascades n’en finissent pas de dévaler les pentes. Fait marquant cependant, elles sont toutes en escalier, c’est à dire par décrochements successifs.

Les quelques hameaux que nous traversons ne sont composés que de quelques maisons isolées.

Nous faisons un long détour car nous doutons que notre voiture puisse supporter 35 km de piste dont nous ignorons totalement l’état. De la piste, il y en aura, d’ailleurs, mais un peu moins de 10 km. Et comme il n’y a aucun autre moyen, à part l’hélicoptère, pour rejoindre notre guesthouse, nous espérons que les correspondants locaux d’Allibert ne nous auraient pas fait dormir dans un endroit inaccessible.

Sitôt que nous quittons la route n°1, le paysage, déjà vide, désertique et sauvage, devient encore plus vide, désertique et sauvage. Mais où donc allons-nous dormir ce soir ? Une caverne, une tente, une yourte, … ou bien tout simplement la voiture ? Nous sommes confiants. Au pire, nous attraperons un mouton pour nous tenir compagnie et profiter de sa chaleur.

Au loin, une lumière. Des maisons et quelques voitures…

Et quelles maisons !

Mais je m’arrête là. Ce petit coin de terre mérite son billet à lui tout seul !

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À propos de Marie-Catherine

Randonneuse, blogueuse et photographe amateur chez Two Swiss Hikers.

En phase de préparation de voyage, je m'occupe du choix voire de l'achat du matos et organise les bagages. Ma principale activité consiste à me réjouir des vacances qui arrivent ! Je deviens plus active au retour : il faut trier les photos (et des photos, il y en a...) et rédiger les billets de ce blog.

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