Great Sand Dunes en 2021

Depuis plusieurs semaines déjà, nous nous réjouissions de revenir à Great Sand Dunes. Pour mieux comprendre pourquoi, il faut imaginer une zone désertique recouverte de dunes de sable. D’une largeur de 20 km sur 30 de haut, elle est bordée à l’est par les Monts Sangre de Cristo, culminant à 4374 mètres, soit 2000 mètres plus haut. Un endroit improbable.

Nous aurions pu dormir comme des loirs mais le froid nous en a empêché. Nous n’avons pas passé la nuit à grelotter, mais presque et sommes même allés jusqu’à nous enrober de serviettes de douche. C’est en se levant que nous réalisons que nous avons les sacs de couchage, qui auraient pu nous être très utiles. Fait rarissime, nous allumons le chauffage et apprécions la chaleur qu’il diffuse, en même temps qu’une méchante odeur de poussière ou de poil brûlé. Une parfaite illustration du proverbe : entre deux maux, il faut choisir le moindre.

La voiture est recouverte d’une fine pellicule de givre. Hum, ça faisait longtemps que nous n’avions pas dû gratter les vitres d’une voiture. Le thermomètre affiche -12 degrés. L’eau a gelé dans les deux bouteilles d’eau que nous avions entamées. Heureusement, celles du pack ne le sont que partiellement et n’ont donc pas éclatées. Initialement en short car j’aime avoir les gambettes au frais, je me ravise et y rajoute les jambes. Better safe than sorry.

Nous partons tout guillerets, anticipant déjà le plaisir qui nous attend. Le ciel est limpide et sur la longue ligne droite entre Alamosa et la bifurcation au nord vers le parc, l’herbe jaune ondule, aplatie par un vent féroce, transversal. Voilà de quoi faire descendre encore de quelques degrés la température ressentie.

Et voici notre terrain de jeu du jour. Quelques têtes de bétail profitent de la belle herbe verte et abondante !

Nous y sommes !

Je tente d’acheter un pass annuel au Visitor Center mais comme les parcs sont gratuits en hiver, la ranger me dit qu’elle ne peut pas me le vendre. Nous qui voulions faire notre « don » annuel…

Comme hier, nous sommes numero due sur le parking. Le Medano Creek est à sec, et seuls quelques galets résiduels, éparpillés, témoignent de sa présence. Nous nous rappelons notre surprise, en 2012, lors que nous étions arrivés ici. C’était en avril, et grâce à la fonte des neiges des pics voisins, cette vaste étendue plane s’était transformée en plage. Investie par des familles, les enfants, sous haute surveillance, s’ébattaient joyeusement et se concentraient sur la construction de châteaux de sable.

Au loin, deux silhouettes se dessinent sur une crête, en chemin pour la dune la plus élevée, 229 mètres plus haut.

Parce que nous avons toute la journée devant nous et que nous ne sommes pas venus ici pour accomplir d’exploit, nous dévions notre route pour aller là où il n’y a pas de trace de pas.

Les faces des dunes exposées au nord sont blanches, recouvertes de givre.

Le première grimpette dans le sable me laisse pantelante. Dur retour à la réalité, moi qui pensais que, après le Tessin, mon niveau physique s’était amélioré d’au moins deux points. Stefano se retourne, se croyant poursuivi qu’une locomotive à vapeur. Nous éclatons de rire.

Nous retrouvons la sensation d’être seuls au monde, qui nous a tant manqué durant ces deux dernières années. Oui, nous aimons le pays où nous vivons, la Suisse, mais en plus d’être un petit pays, sa densité de population est un peu moins 7 fois supérieure à la moyenne des USA, l’état du Colorado lui-même n’étant de loin pas en tête du classement par état.

Aucun obstacle n’arrête le regard. A part la dune suivante. De crête en crête, nous nous enfonçons dans l’immensité désertique. Parfois, une dune bloque le vent et nous sentons la douce chaleur du soleil sur les joues. Sinon, le vent et le froid sont omniprésents et toute tentative d’ôter une couche, d’enlever gants ou bonnet serait très vite regrettée.

Nous marchons sans but précis, nous retournant parfois pour constater que le froid ne décourage pas les visiteurs. Le parking se remplit petit à petit et des petits groupes de personnes s’avancent vers les dunes, dans la même direction, comme aimantés par la dune la plus proéminente.

Parvenus sur un petit sommet, Stefano pointe le doigt pour suivre une successions de crêtes ou de pans de dunes, dessinant une route virtuelle, que nous suivrons peut-être jusqu’au bout ou de laquelle nous dévierons très vite.

La seule contrainte du jour est de rejoindre le parking avant la nuit. Contrainte que nous nous promettons de respecter, n’ayant pas envie d’expérimenter une nuit à la belle étoile, par -22° C, même si, au fond de chacun de nos sacs, nous avons deux couches de plus et une couverture de survie.

Les Monts Sangue di Cristo offrent un point de repère fiable à l’est.

Au fond, plus au nord, les sommets de la chaîne Sawatch, dont quelque part, le Mount Elbert, au sommet duquel nous sommes montés, un peu par hasard…

Petit zoom sur les rides de sable, dont les creux sont encore recouverts de givre.

Et, à propos de rides de sable, des chercheurs du CNRS se sont penchés sur la manière dont elles se formes. Marine Le Breton, journaliste, explique par ces mots le principe de base, la saltation, connu depuis longtemps (extrait de la page Pourquoi les dunes et leurs rides ont l’air si parfaites? Des chercheurs français ont réussi résoudre l’énigme) :

Des grains poussés et des grains pousseurs – Avec le vent, les grains de sable sont emportés, on parle de « saltation ». Lorsqu’ils retombent, ils viennent déloger les grains qui sont immobiles. Avec le choc, ceux-ci se déplacent alors en faisant un saut, plus ou moins important. A force, les grains de sable déplacés s’accumulent, jusqu’à former une « bosse », le sommet d’une ride.

Pour la suite, je vous laisse lire l’article dont la phrase clé est :

Elles (les rides) absorbent les défaut au fur et à mesure qu’elles grandissent.

Parfois, lorsque nous sommes à l’abri du vent, j’entends Stefano fredonner. Habituel. Quoi que… Non.. Je dresse l’oreille. Inhabituel. La mélodie n’est pas une chanson EDM transformée et malmenée, comme de coutume, mais un air plus traditionnel… Je lui lance : Eddy Mitchell ? Et lui de me répondre : yep, La dernière séance. Ne me demande ni comment, ni pourquoi, ajoute-t-il, rigolard !

S’ensuivent des couplets chantés sur cet air, tant par lui que par moi, aux rimes incertaines ou tirées par le cheveux et aux paroles narrant les aventures ou les mésaventures du personnage principal. Un mammifère aux longues oreilles, et dont les pattes arrière sont, paraît-il, terminées par des pieds immenses. Légende, je vous dis, légende…

Miracle de la nature. A cet endroit, une graine a germé et a trouvé suffisamment de nutriments pour grandir, s’épanouir pour enfin fleurir.

Et là, ce n’est plus une plante isolée, mais presque un pâturage ! Il y a même quelques traces de cervidés, peut-être même des proghorns.

La dernière section d’un des itinéraires tracé hâtivement d’un geste de la main se termine par un petit raidillon. Qui n’a l’air de rien, comme ça, vu de loin mais qui se révèle imposant lorsque nous sommes en bas. Cinq mètres, tout au plus, mais la pente est forte. Stefano se lance. Le pied qu’il pose, 50 cm plus haut, s’enfonce dans le sable qui fuit sous le poids. La progression se solde par 10 cm durement gagnés. C’est haletant qu’il arrive en haut. Ce qui me fait bien sûr éclater de rire. Il me regarde d’un air de dire : rira bien qui rira le dernier. Je tente d’utiliser ses traces mais la mécanique est différente de celle de la neige, le sable semblant encore plus meuble. Il me tend une main secourante pour me hisser sur le dernier mètre. Assis, nous respirons bruyamment, les yeux brillants de joie.

Nous rapprochant tout doucement de la dune la plus élevée, en la contournant par le nord, nous croisons la première âme de la journée, qui reste à bonne distance : un photographe avec trépied et gros sac à dos que nous imaginons rempli de joli matos.

Nous y arrivons en même temps qu’un groupe d’une douzaine de jeunes, enthousiastes, souriants, les yeux brillants d’excitation. Certains sont en short, les mollets rougis par le froid. D’autres en t-shirt, ou encore pieds-nus ou en bottes de cowboy. Ils ne sont clairement pas équipés pour ce type de rando, mais je les soupçonne de mettre en pratique un de nos motos : les galères font les meilleurs souvenirs. Et du plaisir ils en prennent et cela doit leur réchauffer les extrémités, si ce n’est le cœur. Impossible de les ignorer et donc, forcément, la conversation s’engage. Ils sont en voiture et sont partis de Houston. Ils sont ravis d’apprendre que nous y avons vécus 4 ans. Nous échangeons quelques souvenirs, les prenons en photos avec leurs appareils et leur laissons la place.

Nous sommes maintenant sur la trace laissée par les multiples visiteurs de la journée. Nous en croisons encore quelque uns, haletants.

Nous repartons vers des zones plus tranquilles, à la recherche de nos traces du matin. Qui ont été absorbées en partie par le vent. Heureusement que nous ne comptions pas sur elles pour rentrer.

Nous traversons le Medano Creek, où la végétation est un peu plus abondante.

Surpris, nous ne trouvons aucun grain de sable dans nos chaussures. Nous rentrons à Alamosa en savourant la chaleur bienfaisant diffusée par les sièges de la voiture. Nous nous arrêtons à la réception de l’hôtel pour demander pas une mais deux couvertures de plus. N’ayant pas envie de redescendre en ville et de chercher une place où garer la voiture, nous optons pour un dîner au Chili’s. C’est une enseigne que nous avons souvent vu, soit à Houston, soit lors d’un de nos voyages, mais que nous n’avons jamais tentée. L’occasion faisant le larron, ou plutôt la flemme l’emportant, nous nous lançons.

Une file d’attente nous refroidit un peu mais nous négocions une place au bar. Et là, point d’attente, mais un barmaid attentionné, des gens joyeux tout autour et de grands écrans TV dont un diffuse un match de volley féminin. La bière est fraîche et les plats de poulets (Margarita Grilled Chicken pour Stefano et Mango-Chile Chicken avec double-dose de légumes pour moi) sont savoureux.

Autoportraits du jour

Sur une dune, qui n’est pas la plus haute.

Great Sand Dunes National Park and Preserve - Alamosa - Colorado - USA

Sur une autre dune, toujours pas la plus haute. Mais cette fois on voit un des sommets des Monts Sangre de Cristo.

Deux fantômes désarticulés.

Encore un. C’est le début des vacances. Il faut nous pardonner. Derrière, ce que je pense être le point culminant de la chaîne, le Blanca Peak, un fourteener, avec ses 4372 mètres d’altitude.

En bas, en train de revenir vers le parking. Les dunes ont été piétinées par de nombreux visiteurs qui ont pris d’assaut la dune la plus élevée.

C’est le dernier, promis

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À propos de Marie-Catherine

Randonneuse, blogueuse et photographe amateur chez Two Swiss Hikers.

En phase de préparation de voyage, je m'occupe du choix voire de l'achat du matos et organise les bagages. Ma principale activité consiste à me réjouir des vacances qui arrivent ! Je deviens plus active au retour : il faut trier les photos (et des photos, il y en a...) et rédiger les billets de ce blog.

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