Grapevine Canyon en 2018
Notre première journée de vacances nous emmène de Las Vegas, Nevada à Sedona, en Arizona. Pour que la balade soit encore plus belle, Stefano fait un petit crochet par Grapevine Canyon, visité tout début 2017 en fin de journée. Nous voulions le voir avec la lumière du matin.
Petit retour en arrière… Partis de Genève hier matin, nous avons fait une escale à Newark, New Jersey avant d’arriver, 5 heures plus tard à Las Vegas. C’est durant ces moments-là que nous regrettons le plus d’avoir quitté Houston d’où un vol pour Las Vegas ne prend que 3 heures et quelques minutes.
Arrivés à la nuit tombée, nous avons été faire les traditionnelles courses de début de vacances au Walmart du coin où nous avons trouvé 2 nouvelles saveurs de Clif Bars : Peanut Butter & Honey with Sea Salt et Caramel Toffee with Sea Salt. Comme nous n’avons pas peur du risque, nous en avons pris 12 de chaque en plus des saveurs traditionnelles que nous connaissons. Nous regretterons de ne pas en avoir pris plus. Rentrés à l’hôtel, nous avons dormis comme des pierres jusqu’au petit matin.
Nous nous laissons réveiller par la lumière du jour et partons vers 8h. À Boulder City, nous obliquons vers le sud sur la US 95, jusqu’à Palm Gardens. Sur de grandes sections, des champs de panneaux solaires bordent la route. Enfin ! Depuis des années nous regardons ces surfaces désertiques et arides en nous disant qu’elles seraient propices à la production d’électricité.
La densité de Joshua Trees augmente progressivement. Un arrêt technique nous permet quelques photos.
Arrivés sur la SR 163, le GPS nous fait faire quelque kilomètres de plus, car vraisemblablement il considère que traverser les deux voies de circulation opposée ne se fait pas. Nous ne voulons pas le contrarier, car il reste quand même un précieux allié. Tant pis pour ces caprices. Stefano me chuchote à l’oreille – afin qu’il n’entende pas – que c’est très certainement son dernier voyage. Après de 11 ans de bons et loyaux services, sans aucune mise à jour des cartes, il mérite la retraite.
Nous sommes dimanche et le parking est encombré.
Le sentier qui borde le wash et que nous avions suivi lors de notre précédente visite a été fermé. Marcher dans le wash reste le seul moyen d’accès. C’est un choix du NPS tout à fait justifié : dans le wash, pas d’érosion supplémentaire provoquée par les pas des randonneurs. De plus, à chaque pluie importante, toutes les traces sont effacées. Back to square one.
Arrivés à l’entrée du canyon, nous nous séparons momentanément afin de ne pas se gêner l’un l’autre et surtout ne pas faire de photobombing inopiné.
C’est simple. Quasiment toutes les pierres recouvertes de la patine noire du désert (desert varnish) et dont la surface est relativement lisse ont été gravées.
Je commence par le versant gauche de la colline qui fait face au parking. Les pétroglyphes qui s’y trouvent ne sont pas les plus aboutis et les plus délicats. Une de mes théories est qu’ils sont les plus anciens.
Ils sont principalement constitués de formes géométriques que personne n’a su interpréter. Il y a fort à parier que les descendants des artistes connaissent une partie de leur signification. Vu le mal que l’Homme Blanc leur a fait, nous ne pouvons les blâmer de ne pas souhaiter partager leur connaissance.
Ce rocher est un bel exemple d’utilisation maximale de l’espace à disposition. Les dessins y sont denses et les formes variées. Les formes anthropomorphiques ou zoomorphiques y sont rares.
Stefano, lui, est parti de l’autre côté.
Là, les traits sont plus fins. Les lignes se croisent, formant des motifs très aboutis.
Selon l’excellent article Grapevine Canyon Petroglyphs Site publié par The Nevada Rock Art Foundation, certains de ces dessins auraient été « retravaillés » au fil des années par les descendants de leurs créateurs. D’après l’auteur, ils auraient été ainsi restaurés ou complétés avec grand soin.
Ici, la superposition de dessins est évidente. En témoigne le rectangle du centre, dessiné avec une double ligne. Il « coupe » le dessin du bas.
Décrit pour la première fois à la fin des années 20 par Julian Steward, le site de Grapevine Canyon a même donné son nom à un style, le Grapevine Canyon style (anciennement le Colorado River style), dont les caractéristiques principales sont justement des formes géométriques en forme de « I » et de « H », des successions de lignes dentelées et tarabiscotées toujours très finement dessinées et enfin des rectangles dont l’intérieur est également finement décoré. Ces « prouesses » sont d’autant plus méritoires qu’elles ont été réalisées avec la technique dite du piquetage (pecking). Point de burin ou de ciseau métallique. Seules des pierres étaient utilisées.
Le canyon ressemble à un capharnaüm. Nous faisons extrêmement attention à l’endroit où nous posons les pieds. Chaque rocher peut receler un pétroglyphes.
Sur certains rochers, toutes les faces sont décorées. Sur cette face, les formes anthropomorphiques ou zoomorphiques prévalent.
Mêmes les surfaces qui nous semblent « bas de gamme » par la rudesse de leur surface ont été recrutées.
Nous, nous aimons bien ces petites bêtes à corne. Nous les aimons d’autant plus lorsqu’elles sont représentées en ribambelle.
Une des particularités de Grapevine Canyon est également la nature du sol. La base où sont posés les rochers est constituée d’une sorte de ciment dont les formes reflètent l’imagination de Mère Nature.
C’est très agréable d’y marcher car l’adhérence y est excellente.
Nous pouvons ainsi crapahuter aisément.
Détail du rocher en premier plan de la photo ci-dessus.
Nous essayons d’explorer le canyon de façon méthodique.
Certains dessins nous semblent très vieux.
Nous nous enfonçons de quelques mètres dans le canyon, just for the fun of it. Même si l’eau ne coule plus (nous sommes en période de sécheresse), la végétation est très luxuriante.
Nous attaquons l’exploration de la dernière partie du canyon : le versant qui fait face au parking, coté droit lorsqu’on arrive par le wash.
Sur cette pierre, on retrouve les formes en « I » et en « H » caractéristiques du Grapevine Canyon style.
Je vous parlais précédemment de la complétion ultérieure de dessins. C’est peut-être le cas de ces « cercles frangés », qui apparaissent au centre de la photo. La couleur plus claire de ces formes indique une altération plus récente. Notre première réaction a été de penser qu’ils avaient été vandalisés mais en fait, ce n’est probablement pas le cas. Nous l’espérons vivement.
Même chose pour ces « soleils/fleurs ».
Les pétroglyphes sont partout.
Certains pétroglyphes sont inaccessibles et je dois me contenter du zoom de mon appareil photo. Même si, pour moi, le mot zoom est un bien grand mot depuis que j’ai opté pour un appareil photo mirrorless : du 70-210 mm que j’avais avec mon Canon, je n’ai maintenant qu’un 16-70 mm. Mais le poids gagné vaut bien quelques sacrifices. Stefano – qui a opté pour l’objectif zoom aujourd’hui – doit plutôt s’éloigner des pétroglyphes pour pouvoir les prendre en entier…
Nous nous éloignons des panneaux principaux.
Les dessins sont plus éparpillés.
Et également plus anciens.
Certains dessins ressemblent à des marqueurs. Prenons le cas de celui-ci, isolé sur un rocher, alors que d’autres dessins auraient pu y être ajoutés.
Celui-ci est un très bel échantillons du Grapevine Canyon style.
Nous partons vers la voiture. Il est midi passé et nous voudrions arriver avec la nuit à Sedona. Eh oui, c’est que les jours sont courts. Le soleil se couche un peu après 17h et la nuit tombe rapidement dans le désert.
Mythe de la Création
La représentation du Mythe de la Création à Grapevine Canyon est une théorie avancée par Don Shepherd, dans son article Grapevine Canyon Petroglyphs and Creation Mythology.
Sa théorie est la suivante :
Chaque tribu indienne possède son propre Mythe de la Création (récit originel). Pour le peuple Mojave, ce mythe décrit l’histoire de dieux tout-puissants, tels que Matavilya et Masthmho, qui créèrent le monde, combattirent les esprits du mal et apprirent aux hommes et aux femmes à survivre sur ces terres ingrates et désertiques. Quelle que soit la tribu, la constante de quatre étapes se retrouve dans le Mythe de la Création.
Si l’on observe Grapevine canyon en gardant à l’esprit ces quatre étapes du Mythe de la Création, on peut considérer que chaque dessin est un idéogramme ou un symbole qui décrit un événement précis survenu lors d’une de ces quatre étapes ou qui spécifie à quel moment un événement s’est produit. Ces pétroglyphes pourraient être des histoires mythologiques représentées chronologiquement. Chaque dessin a ainsi une signification propre qui est complétée ou affinée par la présence à proximité d’autres symboles, selon le même principe de fonctionnement que les idéogrammes.
A chaque étape du Mythe de la Création est associé un style de dessin :
- Création originelle : cercles, cercles avec des rayons, spirales
- L’ère des hommes-dieux durant laquelle les esprits gouvernaient le monde : formes anthropomorphiques présentant des accessoires (couronnes, serpents, …)
- La montée des hommes-animaux lorsque les animaux étaient des hommes : formes semi-anthropomorphiques affublées des cornes ou de queues
- La conquête du monde par l’homme moderne : croix grecque (quatre côtés de même longueur) rappelant le nombre sacré de 4 et la notion de complétion, organes génitaux mâle et femelle.
Faune du jour
Sur la piste, avant de rejoindre Laughlin Highway, la passagère d’une voiture arrêtée nous fait signe. Nous nous exécutons docilement (!) d’autant qu’elle a l’air tout excitée. Elle nous montre quelque chose par terre et ce quelque chose s’avère être ni plus ni moins qu’une ENORME mygale. Ne sachant pas si ces bestioles sont capables de sauter (personne ne rit s’il vous plaît) je tente une photo à une distance respectable. Telle qu’elle apparaît ci-dessous, elle fait bien 10 cm de longueur, pattes repliées comprises.