Monte Boglia

Pour commencer, un peu de pluie annoncé dans la matinée, puis soleil plus tard. Sans doute aussi, un peu de vent aussi. À première vue, donc, nous n’aurons pas les conditions idéales mais nous n’avons qu’aujourd’hui de libre. Nous sommes au Tessin pour quelques jours mais la famille et les activités (ou non-activités) qui vont avec passent avant tout. Le Monte Boglia fait partie de la ligne de crête que nous voyons lorsque nous séjournons à Vignino. Même si les jours ont commencé à rallonger depuis 2 ou 3 jours, ils restent courts et la nuit tombe dès 17h. Le Monte Boglia est l’objectif idéal d’une balade hivernale.

Nous quittons la maison vers 7h30. Nous nous garons dans un petit village perché sur la montagne qui répond au doux nom de Brè. Brè est un village traditionnel tessinois, aux ruelles étroites et aux maisons de pierre. Très très joli et authentique. Le prix à payer pour y habiter est la route qui y monte : taillée dans la montagne, suffisamment étroite pour que deux voitures ne puissent pas se croiser sans devoir manœuvrer. D’un côté des murs de pierre, de l’autre une vieille barrière métallique et rouillée. Et le lac juste en dessous.

Heureusement pour les villageois, Brè est desservi par la Poste (pour les non-suisses, nous appelons la Poste les cars postaux, jaunes, qui sillonnent les petites routes de Suisse pour désenclaver les coins les plus reculés. Initialement, ils assuraient la livraison du courrier par le biais de diligences postales mais ont tôt fait de transporter également toutes sortes de choses, dont des voyageurs). Les cars sont de taille normale.

Nous avons droit à un bel arc-en-ciel. Qui dit arc-en-ciel dit pluie et soleil. Nous verrons lequel des deux va gagner.

J’ai quelques minutes pour chauffer le moteur sur un sentier parfaitement pavé. Sans tarder, nous nous dirigeons vers le pied du Monte Boglia d’où le sentier semble y monter tout droit. Sur cette photo, les perspectives sont écrasées. Le rocher qui émerge, à gauche, s’appelle le Sasso Rosso et est beaucoup plus bas (1’294 mètres) que le sommet du Monte Boglia que l’on voit, dégarni, au centre de la photo (1’516 mètres).

Lorsque le sentier commence à monter, ce n’est pas de la rigolade. Le tracé dessine bien quelques zigzags mais c’est pour tromper l’ennemi.

Au centre, en contrebas, l’église de Brè. La voiture est par là autour. Au fond le lac de Lugano, au premier plan, à droite, le Monte Brè et enfin au second plan, plus au centre, le Monte San Salvatore. Sans aucun doute, un œil averti devinera Vignino, quelque part, entre le sommet du Monte Brè et celui du Monte San Salvatore.

La montée tient ses promesses. Sans surprise, nous avons très rapidement enlevé une couche, puis une seconde. Au prochain arrêt, nous risquons bien de nous retrouver en tee-shirt.

L’arbre, énorme, a englouti le panneau. Dire que les préconisations de Suisse Rando interdisent de placer une signalisation quelconque sur un arbre vivant.

Nous arrivons à une croisée de chemins. Une myriade de panneaux jaunes nous y attendent. Il y a 1’000 façons d’atteindre le sommet du Monte Boglia. Du côté où nous sommes, un passage obligé est un rocher qui surplombe le lac, Sasso Rosso. Un des panneaux indique : Sasso Rosso, 25 minutes. Il ajoute, en petits caractères : sentiero ripido (sentier raide). Un autre indique la même destination mais avec plus d’heure de marche avec la mention sentiero sterrato (route forestière). Evidemment, d’un commun accord, nous choisissons la version courte. Si nous ne savions pas ce que voulait dire raide, nous l’apprenons très vite. Le sentier est rocailleux, et, parfois, il faut même s’aider des mains.

Il y a une accalmie avec quelques zigzags. Nous en profitons pour faire une pause Clif Bar en admirant le paysage. Stefano se met en tee-shirt. Sa seconde couche est trempée, pareille pour la première. Il fait doux et je dis : un fois, nous avons eu Noël en raquette et aujourd’hui c’est Noël en tee-shirt.

Pour la vue, c’est un peu la même que tout à l’heure, mais nous avons pris un peu de hauteur quand même. Nous avons dépassé le Sasso Rosso. En premier plan, un buisson qui ressemble à s’y méprendre à du Mormon Tea.

Nous nous remettons en route.

Nous longeons une falaise qui plonge dans le lac. Il y a même des ruines (petit clin d’œil à nos amis les P’tits Loups). Mais là, point de Native Americans. Nous imaginons plutôt des points de garde pour tenter de contrôler le passage de contrebandiers. La contrebande a toujours été une activité florissante dans la région, surtout durant et après la seconde guerre mondiale.

Par endroit, des barrières métalliques ont été posées afin d’empêcher que les vététistes n’apprennent à voler.

La crête qui mène au sommet du Monte Boglia est maintenant devant nous. Nous avons l’impression que cette dernière constitue une barrière naturelle, empêchant  les nuages et le mauvais temps de passer.

Voici la dernière photo avant que la tempête ne se déchaîne.

Quelques mètres à peine après avoir pris cette photo, il se met à pleuvoir. Nous ne sommes plus à l’abri dans la forêt et le vent, que nous entendions souffler dans la vallée, vient nous caresser. Ce sont d’ailleurs plus des claques que des caresses. Certaines rafales nous font vaciller. Nous enfilons nos Gore-Tex et pour moi les gants. Les chapeaux de pluie resteront dans le sac car il n’y a aucune chance qu’ils restent plus de 5 secondes posés voire même ancrés sur nos têtes. La crête est étroite mais heureusement, de chaque côté, il y a une pente herbeuse. Si nous tombons, déséquilibrés par une rafale, ce ne sera pas bien méchant. Par moment, nous sommes obligés de nous arrêter, afin de laisser passer des bourrasques plus furieuses que les autres.

Arrivés en haut, nous ne traînons vraiment pas. L’heure n’est pas au tourisme. Une photo de croix et un autoportrait plus tard, nous filons en direction des Denti della Vecchia. Pour y aller, nous n’avons qu’une option : ce sentier glacé, qui suit la crête. Les conditions sont vraiment extrêmes. Bon ça pourrait être pire : il pourrait neiger et ainsi réduire notre visibilité. Tout compte fait, nous avons de la  chance…

La descente vers le Pian du Scagn se fait à pas mesurés. Le vent et le sentier verglacé compliquent la descente. Si par chance la glace a fondu, elle a été remplacée par de la boue. C’est au moins aussi glissant que la glace, mais beaucoup plus salissant. Nous avons renoncé à tenter de maintenir nos chaussures propres. Survie et sécurité avant tout.

Nous faisons une incursion en Italie.

En arrivant au Pian du Scagn. Nous resterons un petit moment à l’abri dans le refuge visible sur la droite.

C’est un refuge de fortune où il est possible de faire du feu. Il y a une table, ces chaises et nous sommes à l’abri du vent. Le Pian du Scagn n’est autre qu’un vaste replat où les feuilles mortes volent dans tous les sens.

Stefano scrute le ciel qui n’a pas vraiment l’air de vouloir s’ouvrir. Le vent est toujours furieux mais la pluie est éparse. Stefano me propose deux alternatives : prendre un sentier qui revient vers Brè et, en cas d’amélioration, remonter au Monte Boglia ou partir en direction des Denti della Vecchia. Je choisis la seconde.

L’idéal serait de ne pas rester en forêt en raison du vent mais de toute manière nous n’aurons pas le choix. Alors autant aller de l’avant.

La première montée est la bienvenue. Elle se fait à un rythme rapide. Nous n’avons qu’une envie : nous réchauffer. Le sentier passe dans la forêt. Le sous-bois est impeccable. Les feuilles mortes recouvrent le sol.

À certains endroits, le vent a accumulé les feuilles sur le sentier et nous évoluons dans 30 à 40 cm de feuilles. Nous en avons jusqu’aux genoux. Au début, je trouve ça plutôt sympa jusqu’à ce que, à un passage en dévers avec une forte pente, les feuilles se mettent à glisser de concert sous mes pieds. J’ai l’impression d’être dans de la neige poudreuse. Je n’ai plus de prise. Je mets les mains par réflexe mais elles s’enfoncent jusqu’au coude. J’arrête de bouger. J’ai un moment de panique. Je regarde Stefano, un peu désemparée. Stefano, c’est mon héros. Tel Zorro, il revient sur ses pas, me prend la main et me guide sur le sol ferme.

Nous sommes maintenant sur les crêtes des Denti della Vecchia. Heureusement, le vent souffle du bon côté. Si nous tombons, c’est du côté de la forêt et même si c’est raide, il y a des arbres pour s’accrocher.

Les amas de feuilles sont toujours là. Nous ne savons pas où nous posons les pieds. Nous avançons prudemment : nous ne voudrions pas nous tordre une cheville sur un caillou caché ou pire encore, qu’une méchante racine vienne nous faire un croche-pied.

De l’autre côté, c’est le vide.

Une bifurcation plus tard, au lieu dit Passo Streccione, nous décidons de poursuive notre balade en direction de la Capanna Pairolo.

Nous sortons progressivement de la forêt et surtout des sentiers recouverts de feuilles. Je me relaxe un peu. Ces feuilles me stressent pas mal. Je n’aime pas poser les pieds à l’aveugle. La Capanna Pairolo est en vue.

C’est ici que nous amorçons le retour. Nous laissons derrière nous la Capanna Pairolo. Nous allons passer en contrebas des Denti della Vecchia, puis en contrebas du Monte Boglia pour arriver à Brè.

La Suisse et ses milliers de kilomètres de sentier… Si vous ne savez pas quoi faire, il suffit de chercher un panneau de signalisation de chemins de randonnée. Et là, le choix sera difficile.

La partie durant laquelle nous longeons les Denti della Vecchia est relativement facile.

Nous restons plus ou moins au même niveau. Les amas de feuilles continuent de masquer certaines sections du sentier mais à part cela, la balade est sympa même si le vent est toujours là, puissant et furieux. La direction du vent semble avoir changé. À l’aller, le vent montait vers les crêtes et maintenant ce sont des torrents de feuille (et je n’exagère pas) qui descendent vers nous.

Une petite fontaine, croisée sur le sentier.

Aux alentours de Creda, nous n’avons pas d’autre choix que de prendre le sentier qui remonte vers l’Alpe Bolla. De 799 mètres nous remontons à un peu plus de 1’100 mètres. La montée est sèche (je ne parle pas du terrain) et nous arrivons à l’Alpe Bolla en nage.

À proximité, il y a une jolie chapelle et surtout, surtout, un roccolo magnifiquement rénové.

Un roccolo est une construction, utilisée à partir du moyen-âge et jusqu’à l’après-guerre pour capturer des oiseaux migrateurs afin de les manger.

De là, nous avons une magnifique vue sur les Denti della Vecchia.

Arbre décoré.

Voilà une belle portion de sentier ensevelie sous les feuilles. Elles montent à hauteur du genou voire à mi-cuisse.

Le soleil est en train de se coucher. Timing parfait, bravo Stefano. Pas une minute de perdue.

Nous traversons le village de Brè.

Les vieilles pierres se mélangent à des œuvres d’art.

Dernier coup d’œil au Monte Boglia.

Nous serons à l’heure au dîner. Ouf ! Il ne nous reste plus qu’à reprendre la route qui descend vers Lugano en espérant que nous ne croiserons pas de car postal.

Lugano by night.

Itinéraire du jour

C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.

Autoportraits du jour

Lors de notre première pause. Nous ne sommes pas loin du sommet du Monte Boglia.

Au sommet du Monte Boglia. De l’été, nous sommes passés à la tempête hivernale.

À l’Alpe Bolla.

Références externes

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À propos de Marie-Catherine

Randonneuse, blogueuse et photographe amateur chez Two Swiss Hikers.

En phase de préparation de voyage, je m'occupe du choix voire de l'achat du matos et organise les bagages. Ma principale activité consiste à me réjouir des vacances qui arrivent ! Je deviens plus active au retour : il faut trier les photos (et des photos, il y en a...) et rédiger les billets de ce blog.

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