Il nous fallait une journée complète de beau temps pour aller voir le puy de Lassolas et le puy de la Vache. Non pas à cause de leur altitude, mais à cause de la longue marche nécessaire – près de 7 km – pour s’en approcher.
Nous quittons le camping à 9h15. Le ciel est bleu, mais laiteux. Hier, en discutant avec Florian, le gérant du camping, nous parlions de cette brume qui enveloppe les sommets. C’est à cause de la fumée des incendies qui ravagent les forêts du Canada, nous avait-il répondu. Ça devrait durer deux ou trois jours puis nous aurons du sable du Sahara. Je comprends mieux pourquoi mon application météo me rappelle sans cesse que la qualité de l’air, ici à Aydat, est « détériorée ».
La route passe entre le puy de la Combegrasse, sur notre gauche, et le puy de Charmont à droite, avant de redescendre, face au puy de Vichatel.
A une croisée de chemin, un homme sur un VTT attend. Qui, nous ne savons pas, mais il commence à parler sitôt que nous approchons. Il regarde le paysage d’un air désabusé et nous raconte qu’il a passé des heures, des jours, voire des étés à défricher les terrains alentours. Il nous montre les flancs du puy de Combegrasse, dont une partie est envahie par les genêts à balais. Là, avant, dit-il, ce n’était que des prés. Nous y faisions des courses de motos, dans le sens de la montée. Tout a tellement changé… Il repart, et nous ne doutons guère qu’il racontera la même chose à la prochaine rencontre.
Encore des signes indiquant un mauvais itinéraire ! Cette fois, tout y est : rouge et blanc pour le GR, vert et jaune.

Les pistes que nous empruntons tour à tour, toutes recouvertes de pouzzolane, font partie d’un vaste réseau d’itinéraires pour VTT et vélos.
En approche du col de la Ventouse, le bruit des voitures croît, malgré un environnement 100 % vert.
Le puy de Vichatel se rapproche.
Nous arrivons dans une zone marécageuse.
Nous sommes sur les terres du comte de Montlosier qui reçut ces terres – terre de rang d’âne – terres de piètres valeur – de son père irrité par le tempérament rebelle de son fils. A la fin du XVIIIème siècle, ce domaine de 400 hectares n’est que bois taillis, terres vagues, bruyères, dont un quart est occupé par de la lave presque à nu. Durant 8 ans, il bivouaquera avec son fils dans une hutte puis une chaumière, tandis qu’il construit des logements pour ses bêtes et s’applique à défricher, mettre en place des systèmes d’irrigation, restaurer les sols, reboiser, et développer de nouvelles techniques de cultures. Cet étang, c’est son œuvre.
Il ne commencera la construction de la maison de maître que plus tard, en 1820, utilisant des matériaux locaux : pierre de Volvic et ardoise.
Son unique échec restera le forage d’un puits, creusé dans trois couches de rochers, mais resté vide de toute eau.
Notre marche d’approche arrive à son terme. Nous sommes sur le bon chemin.
En ce lundi de Pentecôte, nombreux sont les promeneurs à se diriger vers le puy de Lassolas. Le château du comte de Montlosier a d’ailleurs été reconverti en « maison du parc » offrant une exposition, un gîte d’étape et une section administrative du parc naturel régional des Volcans d’Auvergne. Entre la demeure et une magnifique aire de pique-nique ombragée, un vaste champ dans lequel paissent des vaches ferrandaises, une race authentique d’Auvergne. Non loin, un grand parking. Tout est prévu pour accueillir les amateurs de grand air.
Un large sentier, à l’ombre des arbres, nous amène au pied d’une crête, dégagée et rouge.
La pente se durcit et le terrain, constitué de petites scories, devient plus compliqué. Nous nous faisons dépasser par une dame que nous avons croisé dans l’autre sens. Je dois m’entrainer et faire du dénivelé, souffle-t-elle, comme pour s’excuser. Nous revient en mémoire Houston et la digue de George Bush park, haute d’une dizaine de mètres, seul relief disponible des environs. Les sportifs venaient s’y entrainer, et tous les moyens étaient bons : courses, saut à pieds joints, sur un pied, ou encore vélo…
La crête s’élargit.
Nous voici bientôt en haut, sous le cagnard.
Nous pouvons admirer la chaîne des volcans, une partie tout du moins.
En face, vers le sud, le puy de la Vache, notre prochaine destination.
Malgré la brume persistante, nous parvenons à repérer le puy de Dôme. Bon il faut dire qu’il n’est pas très loin et aisément identifiable par sa méga antenne.
Nous quittons le sommet par un sentier en direction du puy de la Vache.

Après une courte section dans la forêt, la montée vers le sommet du puy de la Vache commence, à l’ombre, via une série de marches construites avec des travées de chemin de fer. Mes jambes ne s’attendaient pas à une telle épreuve (j’exagère un peu, mais à peine) et je passe en mode survie, l’esprit vide, mes yeux fixés sur les chaussures de Stefano, agrippant sa main lorsqu’il me la tend pour m’aider à franchir une marche plus haute que les autres. Mais tout est une question de temps, avons-nous coutume de dire. Pas après pas, nous arrivons sur la calotte du volcan, dénudée.
De là, nous avons une belle vue sur le puy de Lassolas et, plus à droite, le puy de Dôme. Je vous avais bien dit qu’il n’était pas loin !
Nous nous engageons dans la descente, d’abord sur une large zone recouverte de scories rouges.
Puis, sitôt dans la forêt, des escaliers se substituent au sentier. Pas dix marches, ni vingt, ni même cent… Ça ne se termine qu’un kilomètre plus tard, alors que nos genoux commencent à crier, eux d’habitude si calmes et silencieux.
Cependant, nous comprenons très bien la nécessité d’un tel aménagement, vu la fréquentation des lieux. Il n’y a qu’à voir l’état du sentier qui monte vers le puy de Lassolas, raviné par l’eau et déformé par les milliers de pas des randonneurs qui zigzaguent pour adoucir la pente.
Nous sortons de la forêt pour arriver dans un lieu magique. Une vaste étendue de scories rouges, sur laquelle des blocs noirs de roches volcaniques sont dispersés. Au milieu, les taches vertes presque fluorescentes de jeunes arbres.
Nous disons notre premier « wow » du jour. Cet endroit à lui seul vaut la quinzaine de kilomètres aller-retour de la marche d’approche.
Nous nous éloignons du sentier de quelques mètres et dissimulés dans une cuvette, au milieu des rochers, nous savourons notre premier pique-nique en Auvergne.
Nous sommes sur l’emplacement d’une ancienne carrière, une carrière « en rouge et noir » comme l’annonce un panneau informatif. Les roches rouges proviennent du cœur du cône et le fer contenu dans la roche s’est oxydé sous l’action des fumerolles et de la température supérieur à 600°. Celles noires, provenant du bas du cône, ont gardé la couleur naturelle du fer qu’elles contiennent, sans avoir subi le phénomène d’oxydation.
Nous restons là, assis sur un rocher, à regarder, émerveillés, cet environnement lunaire.
Mais où est Charlie ?
Après cette halte bienvenue et bienfaisante, il nous faut songer au retour. Stefano me propose de rentrer en contournant le flanc est du puy de Vichatel, nous permettant ainsi de dessiner un tracé en forme de boucle.
Le retour se fait principalement dans la forêt, d’abord par un sentier peu fréquenté, jusqu’à la proximité du col de la Ventouse.
Au col, une belle aire de repos a été aménagée et nombre de véhicules y sont garés, dont des camping-cars. Tous les endroits ombragés sont occupés. Seuls une table et des bancs, chacun constitué d’une demi-bombe volcanique polie sur la surface, sont libres. Nous nous y installons avec bonheur pour une petite pause méritée. La pierre est chaude et nous y faisons sécher nos chaussettes, les pieds nus profitant d’une liberté provisoire. Nous avons 15 km dans les pattes, et encore une huitaine à parcourir pour rentrer au camp.
Après avoir traversé la nationale 89, le sentier s’élargit un peu, toujours dans la forêt. L’humidité du terrain, encore détrempé des dernières pluies, associée à la douceur des rayons de soleil font qu’un petit nuage de moustiques volètent autour de Stefano. Peu arriveront à leur fin, et beaucoup resteront sur leur faim, heureusement.
Nous rentrons tranquillement au camping, en faisant un petit détour par les deux panoramas du puy de la Combegrasse. C’est que demain nous partons et un au revoir en bonne et due forme nous parait de mise.
Malgré l’absence de nuages, nous n’arrivons pas mieux à identifier des puys, malgré les indications des deux panneaux en demi-cercle. La brume en provenance du Canada semble encore plus épaisse qu’hier.
Une nouvelle fois – nous filons du mauvais coton -, nous prenons le temps de déguster à petite gorgée une bière locale. Déçue hier par celle à la myrtille, je reviens à « Lulu la sucrée », une bière blanche avec un goût léger mais constant de framboise. Stefano essaye celle à la myrtille – Flagrant désir -, délaissant pour une fois la bière des druides. Nous sommes à l’entrée du camping. Des gens vont et viennent. Une bande de gamins jouent sur leur vélo. Le plus grand, environ 10 ans, pas plus, tente d’apprendre à 3 autres, plus jeunes, les règles de base pour rouler en groupe. Sa maturité est étonnante et le langage utilisé est soigneusement choisi. C’est celui qui est derrière qui doit faire attention, celui devant n’est jamais responsable, lance-t-il. Lorsque je dis « stop », à trois, vous devez être arrêtés, derrière moi, sans me coller. Bravo Charly, c’est super. Fais attention au gravier, tu pourrais déraper et tomber… Le fiston de Florian qui fait partie du groupe n’est pas d’humeur à suivre ces instructions. Il quitte la file, sans explication, range son vélo et s’accroupit auprès des deux chiens d’un couple de campeurs, attablés non loin de nous.
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est sur Wikiloc.
Autoportraits du jour
Au sommet du puy de Lassolas.
A la carrière du puy de la Vache.
Au même endroit.