Ces – Doro – Cara

Nous partons aujourd’hui à la découverte des petits hameaux au-dessus de Chironico. Sur la carte de Suisse Mobile, Ces s’écrit A Césc, Doro s’écrit A Dör et Cara s’écrit A Càra. A part Ces, assis sur un plateau presque horizontal, Doro et Cara sont accrochés sur des pâturages dont la déclivité fleurte avec les 30°. Ces hameaux ne sont accessibles que par d’anciens chemins muletiers, non carrossables, mais tous possèdent un monte-charge, indispensable à l’approvisionnement et à l’entretien des maisons.

Lors de notre première venue à Chironico, j’avais pointé du doigt une petite chapelle aperçue sur les hauteurs du village alors que nous contemplions la torre dei Pedrini. Je veux y aller, avais-je répété. Stefano, me montrant sa montre, avait répondu, patient : une autre fois, aujourd’hui nous n’avons pas le temps.

« L’autre fois » est donc arrivée. Tout arrive à qui sait attendre, aurait-dit ma Môman ! Nous laissons la voiture sur un parking proche de l’école, à quelques mètres d’une petite retenue d’eau. L’eau du Ticinetto qui s’y accumule reflète le bleu du ciel. Sur le parking, un couple assis sur des matelas de grimpe attend. De la moka, sur le réchaud, montent des effluves de café. Ils sont bientôt rejoints par un autre couple. Des bribes de français et de suisse allemand nous parviennent.

Nous traversons le village, attentifs à suivre le signe rouge et blanc indiquant le sentier, qui attaque bientôt la montagne, sans détours. Très vite, la conversation se tarit et devient un monologue.

Quelques vieilles ruines attestent d’une lointaine présence humaine.

La forêt est jeune. Les troncs blancs des bouleaux sont rectilignes. Quelques vieux châtaigniers apportent un peu de désordre.

Le terrain est varié mais très souvent le sentier sert de lit à de petits rus. En cause les pluies de ces derniers jours, bien sûr, mais également les sentes créées par les cerfs et biches qui ravinent le sol et créent de nouvelles alternatives à l’écoulement de l’eau. La pierre devient alors glissante et la boue n’offre aucune adhérence.

D’abord loin du ruisseau qui coule dans une petite gorge à notre gauche, le sentier s’en rapproche tandis que le bruit de l’eau s’intensifie. Une petite plateforme naturelle permet de contempler l’eau écumeuse qui dévale de la montagne.

J’aperçois une tache blanche entre les arbres. La petite chapelle ! Notre premier objectif est atteint.

Le sentier continue ses zigzags sur le flanc de la montagne. Depuis les environs de la chapelle, les marches de pierre sont plus présentes.

Alors que le terrain s’aplanit, il se recouvre d’herbe, ombragé par les bouleaux.

Puis s’ouvre une clairière, avec trois constructions. Nous sommes à Ul Frécc – que Stefano traduit par Le Froid -. L’absence d’accès facile – route ou piste ou encore monte-charge – fait que les bâtiments sont tous en attente de réparation.

Dans un potager, clôturé, la terre a été fraîchement retournée et des cassissiers s’ornent de jeunes feuilles. De l’autre côté, des troncs ont été débités et des planches découpées. Des bûches attendent d’être entassées et la sciure est encore claire. Des chevaux paissent dans un enclos. Nous ne voyons néanmoins aucun signe de présence humaine.

Les murs de la dernière bâtisse, au toit béant,  sont encore en parfait état, les pierres sèches formant une surface uniforme et dense.

Traversée du riale di Moagilio.

Le sentier, en pente douce, reste bien large, nous permettant de marcher de front. Le monologue de la montée depuis Chironico redevient conversation.

Nous repassons en file indienne lorsque, sur notre gauche, la pente abrupte mène directement au ri d’Ces, qui court 20 ou 30 mètres plus bas.

Sous l’herbe, apparaissent encore des pierres posés ici par les anciens pour consolider le sentier.

Ces, et son panneau vintage.

Ces est un hameau d’une vingtaine de maisons. D’une cheminée s’élève de la fumée. Devant la porte, une paire de chaussures et des vêtements sèchent. Pour le reste, le village semble désert. La porte de la petite église n’est pas verrouillée. Je l’ouvre. L’endroit est petit et les bancs sont disposés en cercle autour de l’autel. Le long du chemin, des carrés de terre fraîchement travaillée, encerclés de grillage, où s’élèvent des cassissiers. Le climat doit leur être favorable.

Notre prochaine étape : Doro.

Les eaux du ri d’Ces se fracassent sur la roche en deux cascades jumelles, presque parfaitement symétriques.

Le village de Ces, vu du bas des cascades.

Les eaux ruissellent sur le sentier. La forêt s’ouvre sur un marais que le chemin traverse. Nous tentons de sauter de zones sèches en zones sèches mais très vite n’hésitons plus à poser les chaussures sur l’herbe détrempée ou dans la boue. Hormis l’inconfort du terrain, l’endroit est fort beau. L’herbe est encore jaune, avec quelques touffes vert tendre qui se hérissent vers le ciel. Le terrain est une succession de petites mottes, autour desquelles sourd l’eau.

Après avoir franchi la zone marécageuse, un épais mur de pierre sèche, d’environ un mètre de hauteur, sécurise le sentier. Sur la gauche, au pied d’une falaise, un petit plateau herbeux s’ouvre et quelques maisons y sont posées. Le lieu s’appelle Olina. Lors de notre montée depuis Chironico, nous avons vu partir une sente vers ces maisons.

Lorsque le chemin vire à angle droit vers l’ouest, nous apercevons Doro. Le sentier se divise et nous choisissons d’arriver au village par le haut. Sur le toit d’une des maisons, deux ouvriers taillent des pierres puis les ajustent avec précision sur la charpente. Deux enfants courent dans les ruelles.

Nous pique-niquons sur un banc près de l’église.

Les destinations possibles depuis Doro. Quel beau terrain de jeux !

Au sortir du village de Doro, des chevreaux noirs jouent autour de la bergerie. C’est ici que part le sentier pour monter au refuge Alpe Sponda. Nous sommes raisonnables et choisissons celui qui mène à Cara. Bien nous en prend car nous faisons ainsi connaissance d’un charmant couple, assis dans l’herbe, jumelles à la main, contemplant le paysage. Des tessinois habitant le canton de Vaud, connaissant très bien la région et les sentiers. Nous restons une bonne demi-heure à converser de tout et de rien, comme les itinéraires de balade dans les environs ou encore les origines respectives des familles.

Le sentier qui mène à Cara est une traversée, sous forme d’une petite entaille dans la prairie dont la déclivité est souvent comprise en 40 et 45°. Le bétail, en fin de saison, doit être content de retrouver un sol horizontal.

Au milieu du chemin, déjà bien étroit, cinq gentianes acaules ont décidé de pousser là. Mauvais choix mesdames ! Nous les contournons avec précaution et espérons que les prochains randonneurs feront de même. Deux autres, plus sages, ont préféré pousser en hauteur.  Stefano s’applique à les photographier. Pour le résultat, voir la section Flore du jour.

A l’entrée du village de Cara, de magnifiques chevaux broutent avec ardeur une herbe rase et parsemée.

L’église de Cara.

Le sentier qui nous ramène au fond de la vallée est un ancien chemin muletier où les virages se superposent presque.

Je me permets même de les comparer à une section du Devil’s Corkscrew, au Grand Canyon. Bon, j’en conviens, c’est un peu plus vert ici.

Le couple rencontré précédemment nous rattrape, ce qui nous permet de récolter encore quelques beaux itinéraires de balade. Et une explication de ces panneaux blancs, avant que nous arrivions à la bifurcation. Bien pensé, le fait d’écrire que le sentier existe mais qu’il n’est plus maintenu. Je doute qu’il y est beaucoup de promeneurs en tongue ou en birkenstock ici, mais le cas échéant, cette information devrait les dissuader de s’engager sur cet itinéraire.

Petite chapelle surplombant la route.

Nous arrivons sur la route, à Valle. Il ne nous reste plus qu’à suivre la route jusqu’à Chironico. Le calme est troublé par des exercices de tir. Les cibles sont d’un côté de la route, les tireurs de l’autre côté. A une quinzaine de mètres plus haut, bien sûr, mais le bruit est assourdissant.

Nous faisons un petit détour par la torre dei Pedrini avant de rejoindre le parking, près de l’école enfantine.

Faune du jour

Une fois n’est pas coutume… Ces petits chevaux ne sont pas des animaux sauvages mais ils sont si beaux.

Durant les premières minutes, ils nous ignorent superbement. Puis Stefano tente un hennissement. Etait-il suffisamment réussi pour que le plus jeune accourt vers nous ou bien est-ce la curiosité qui l’a poussé à venir inspecter cet étrange bipède au cri invraisemblable ? Quoiqu’il en soit, nos efforts sont récompensés. Un contact est établi. Et nous avons le plaisir de le caresser.

Flore du jour

Primevère à Gorge blanche - Primula Hirsuta
Primevère à Gorge blanche – Primula Hirsuta
Gentiane Acaule - Gentiana Acaulis
Gentiane Acaule – Gentiana Acaulis
Polygale Petit Buis - Polygala Chamaebuxus
Polygale Petit Buis – Polygala Chamaebuxus

Itinéraire du jour

C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.

Autoportraits du jour

A Doro, derrière la petite église.

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À propos de Marie-Catherine

Randonneuse, blogueuse et photographe amateur chez Two Swiss Hikers.

En phase de préparation de voyage, je m'occupe du choix voire de l'achat du matos et organise les bagages. Ma principale activité consiste à me réjouir des vacances qui arrivent ! Je deviens plus active au retour : il faut trier les photos (et des photos, il y en a...) et rédiger les billets de ce blog.

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