Nous sommes sur le chemin du retour et devons traverser la France d’ouest en est. Au centre, le Massif Central et ses volcans. Quelle aubaine ! Il manquait justement à notre palmarès des puys le puy de Dôme, le plus haut volcan de la chaîne des Puys. Malgré une météo peu engageante, nous sommes bien décidés à grimper sur cet ancien dôme de lave où les gallo-romains avaient construit, au 1er ou 2ème siècle, un temple dédié à Mercure.
Le réveil sonne à 6h30. Notre objectif est de démarrer le van à 8h au plus tard car la fenêtre de « beau » temps est courte. Les prévisions météorologiques ne sont guère optimistes pour l’après-midi et annoncent de la pluie dès 15h. Stefano a préparé un itinéraire de 3 puys : le puy Pariou, passage quasi obligé car aligné au puy de Dôme, ce dernier bien sûr et en option le puy des Goules.
Nous laissons le van sur un grand parking, dont une partie est réservée aux camping-cars. Malgré la météo maussade, il y a déjà une bonne dizaine de voitures. Trois autres arrivent durant que nous nous préparons.
Nous retrouvons les genêts à balais mais, près de 40 jours plus tard, les myriades de fleurs jaunes ont disparu, laissant la place à des gousses noirâtres, qui n’ont pas encore éjecté leurs graines.
Nous sommes sur un sentier bien tracé, un de ceux les plus fréquentés des environs. Le centre de Clermont Ferrand n’est qu’à environ 15 km.
La forêt est constituée de feuillus, des hêtres en majorité.
Là, les arbres sont plus jeunes et nous font une haie d’honneur, se penchant gracilement pour nous enrober de leur feuillage.
Nous émergeons de la forêt sur le flanc du puy Pariou, au bord du cône. Le sentier qui y descendait est définitivement fermé. Même aménagé – en 2015 des marches consolidaient le terrain – le ravinement ne put être contenu. En 2022, la ravine a été comblée, consolidée et replantée. Des barrières de bois matérialisent encore l’emplacement où la végétation n’est pas encore aussi dense qu’aux alentours.
Il est par contre possible de contourner une petite moitié du cône.
Au bord du sentier, abrités partiellement par la crête, les arbres sont sculptés par le vent.
A l’est du cône, le sentier qui continue sur le bord est lui aussi fermé. Un groupe de randonneurs a enjambé la corde barrant l’accès et se promène en zone interdite, là où la vue est la plus belle. Ayant lu un panneau informatif, malgré notre forte envie, nous n’allons pas plus loin. Le puy Pariou n’est qu’un gros tas de petits grains non liés entre eux, issus des projections de lave. Seule une fine calotte de terre recouverte d’une maigre végétation enrobe et protège cette couche instable.
Le versant ouest du cône, avec, derrière, le puy de Fraisse.
La descente du puy Pariou se fait par une succession de marches de bois, dont la séquence – deux ou trois marches courtes, une marche longue – évite trop de surcharge au niveau des genoux.
L’escalier se termine sous une voûte de verdure.

Nous arrivons à une croisée de chemins. Les options sont nombreuses. Un vient du parking où nous avons laissé le van mais a contourné le puy Pariou par l’est. Un autre repart, vers le nord, en direction du col des Goules. Une troisième, et ce n’est pas le dernier, indique « Sommet Puy de Dôme 7.2 km ». Ce dernier part dans la direction souhaitée, montant en direction du petit Suchet.
De là, le grand Suchet est à un jet de pierre et même s’il n’était pas prévu d’y aller, nous lui rendons une petite visite.
Derrière nous, sur le flanc ouest du puy Pariou, la végétation a de la peine à se maintenir.
De retour sur le Traversin, le haut plateau situé entre les Suchets et le puy de Dôme, le ciel vire au bleu, comme ça, sans raison et du coup notre espoir d’une belle suite de journée monte en flèche.
Un peu plus loin, plusieurs sentiers convergent à l’endroit où commence la montée vers le puy de Dôme.
Nous croisons, dépassons des groupes de randonneurs, des familles intergénérationnelles, certains en balade, parapluie à la main, un sac à dos unique pour le groupe, d’autres en randonnée, sursac étanche déployé, veste de pluie accrochée hâtivement à la ceinture. La bonne humeur est générale, sauf peut-être pour deux ou trois enfants qui rechignent à l’effort physique, regrettant le confort du canapé.
Sitôt que nous prenons un peu de hauteur, nous découvrons, entre nous et le puy Pariou, une série de bosses et de creux dont l’un porte le nom évocateur de Nid de la Poule.
Une volée d’escalier remplace le sentier sur quelques zigzags et débouche sur la voie ferrée et sur la route, qui est le seul moyen d’accès pédestre vers le sommet.
Dominées par une antenne imposante visible à des kilomètres à la ronde, les ruines d’un ancien temple surprennent.
Des panneaux informatifs nous transportent dans le passé, au 17ème siècle, à l’époque de Blaise Pascal, né à Clermont Ferrand en 1623. Passionné par les sciences, il met au point, à 19 ans seulement, la Pascaline, première machine à calculer de l’histoire, un petit engin purement mécanique capable d’effectuer des additions et soustractions, et également, mais avec moins de réussite, des multiplications et divisions par répétition. Il jette ainsi les bases de nos ordinateurs, tablettes et smartphones utilisés au quotidien. Puis, à 23 ans, il démontre les phénomènes de la pesanteur de l’air, ici même, en cheminant – en réalité c’est son beau-frère – de Clermont-Ferrand (390 m) au sommet du puy de Dôme (1465) avec un tube de verre rempli de mercure retourné dans un récipient contenant également ce métal. Une partie du mercure contenue dans le tube s’écoule dans le récipient puis le niveau se stabilise. A ce stade, deux forces s’opposent : la gravité qui fait descendre le mercure dans le tube, le poids de l’air qui pèse sur la surface du mercure, empêchant le niveau du récipient de monter. Au terme de l’ascension, la hauteur du mercure dans le tube diminua de 76 cm, démontrant ainsi que le poids de l’air maintenant le mercure dans le tube diminue avec l’altitude.
C’est suite à cette expérience que, deux siècles plus tard, Emile Alluard défend l’idée d’un point d’observation météorologique au sommet du puy de Dôme. En 1872, lors de la remise en état du chemin des Muletiers, permettant l’accès aux travaux de construction, des débris antiques sont mis à nu au col de Ceyssat, au sud du puy. Puis un vieux mur, au sommet, est déchaussé et révèle un édifice grandiose : un temple gallo-romain !
Le temple a fait l’objet d’une restauration partielle, et non d’une reconstruction complète, entre 2013 et 2024. L’objectif était de rendre le site plus accessible et compréhensible pour les visiteurs, en reconstituant notamment des éléments clés des murs et des terrasses du sanctuaire.
Nous faisons un courte visite au musée attenant. Un court métrage présente les travaux effectués par des archéologistes pour imaginer la forme originale du temple. Un des points clé fut le comptage des pierres ayant servi à la construction et retrouvées parmi les ruines pour ensuite réutiliser le bon nombre dans leur maquette. Quel travail passionnant !
Le vent, omniprésent, nous contraint à chercher un abri. Deux salles hors sac sont mises à la disposition des visiteurs. Nous choisissons la plus proche. Nous voyons une maman balayer les miettes laissées par ses enfants et un randonneur passer un coup d’éponge sur la table avant de quitter les lieux. Le mot « respect » ici a donc encore une signification !
Nous faisons le tour des bâtiments techniques avec une vue plongeante sur le puy Pariou, les Suchets et le nid de Poule. Une table d’orientation confirme ce que tout à l’heure j’ai pris pour de l’ignorance en entendant quelqu’un dire : aujourd’hui nous ne verrons pas le mont Blanc. Il est effectivement possible de contempler le plus haut sommet d’Europe, distant de 400 km à vol d’oiseau.
Autre fait intéressant : en 1978 il y eu une vague d’attentats dans le puy de Dôme, dont un visa l’émetteur de télévision situé ici même. Les auteurs ne furent jamais attrapés et le motif même reste vague.
De gros nuages noirs s’amoncelant dans le ciel nous convainquent de penser au retour. Il est 13h00 et si vraiment la pluie doit arriver à 15h00, il est temps de descendre.
Ici, c’est clair : les piétons ne sont pas les bienvenus !
Les premières gouttes arrivent peu de temps après. De fines et éparses, elles deviennent très vite lourdes et denses, nous obligeant à nous protéger. En arrivant sur le Traversin, les nuages se dissipent et le soleil revient, lourd et mordant, nous faisant transpirer sous nos goretex. Nous nous en débarrassons, heureux à l’idée de sécher nos short et pantalons au soleil. Nous avons crié victoire bien trop vite. Trois minutes plus tard montre en main, l’averse revient, plus drue que jamais.
Nous remontons au puy Pariou, l’échine courbée. Le retour au van se fait sous le déluge. Nous croisons des courageux, blottis sous des ponchos ou abrités sous des parapluies. Le dernier couple n’a qu’un gilet sans manche pour se protéger. Il espère une accalmie. Francs, nous leur disons que nous avons attrapé la pluie au puy, deux heures plus tôt. Ils nous emboîteront finalement le pas.
Arrivés au van, nous n’avons plus ni un vêtement, ni un poil de sec. Nous roulons en boule nos vêtements que nous tassons dans un sac étanche, espérant avoir quelques rayons de soleil ce soir ou demain pour tout faire sécher. Nous enfilons des vêtements secs alors que le premier coup de tonnerre éclate dans le ciel.
Flore du jour



Itinéraire du jour
C’est ici et c’est sur Wikiloc.
Autoportraits du jour
Au sommet du puy Pariou.
Quelque part, au pied du puy Pariou. Nous venions d’enlever nos vestes et chapeaux à la vue d’une belle éclaircie qui a duré… 3 minutes !
Bon, la pluie sans l’orage, c’est fun quand même !